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Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
  • Mort et vif à la fois, comment est-ce possible ? Suivez les histoires de personnages communs et hors du commun à travers un monde infestés de morts vivant. Lorsque la situation devient extraordinaire, certains personnages se révèlent l'être tout autant.
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5 avril 2014

Mort et Vif - Tome I - Chapitre 26

Je suis exténué. C’est que je ne suis pas un sportif à l’origine, et combattre tous ces mort-vifs à la hache m’a complètement éteint. Demain, ce sera le début des courbatures. C’est qu’à bientôt cinquante ans, on n’a plus la fraicheur physique d’un jeunot.

Moi, ce qu’il me faut, c’est avant tout un objectif. Et là, maintenant que je me suis bien vengé, maintenant que je les ai bien éclatés, j’avoue me sentir un peu vidé. Vidé de tout en quelque sorte, comme si j’avais le sentiment du travail accompli. Et bien accompli qui plus est.

Bon, soyons sérieux. Vu le foutoir qu’il y a en ville, vu le nombre de mort-vifs qui s’y trouve, il me parait évident que je serais bien plus en sécurité en dehors. Alors il ne reste plus que deux solutions. Soit se rendre en rase campagne, soit prendre la mer. Le choix n’est pas évident. Dans tous les cas, je n’ai aucun moyen de transport. Soyons cartésien un minimum. Quel est le plan idéal dans cette situation ? Tout d’abord, se tenir loin des gens, loin des foules, donc loin des hordes de mort-vifs. Ensuite, pour survivre, avoir de quoi s’hydrater et s’alimenter. Enfin, avoir de quoi s’informer pour savoir quand revenir. Le plan idéal, ce serait d’avoir un bateau. Un petit bateau maniable mais suffisamment confortable pour ne pas mourir de froid par les temps qui viennent. Un petit bateau qui me permette d’accoster facilement un peu partout et de partir aussi rapidement en cas d’urgence. Enfin, un bateau qui ne fonctionne pas qu’à l’essence histoire de ne pas tomber en panne au milieu des vagues. Mais pour bénéficier de tout ça, il faut savoir naviguer… Eh bien, après avoir appris à piloter un hélicoptère, il est temps que je me mette à la navigation.

Avant tout, je dois passer à l’appartement pour y prendre quelques affaires. Quelques affaires importantes que je laisse là-bas le temps d’une rotation, comme mon passeport et des sous-vêtements. A dire vrai, à quoi me servirait bien mon passeport par les temps qui courent ? Alors que les sous-vêtements… Non, la raison la plus importante, c’est internet. Le plan du port, les informations sur les bateaux, l’art de naviguer… Tout y est. Si je dois prendre la mer, autant que je m’y prépare.

Les derniers mètres sont les pires tant je suis épuisé. Mais finalement, m’y voici. En pleine nuit, les lieux ne semblent pas avoir beaucoup changés. Ne dit-on pas que la nuit, tous les chats sont gris ? Bref… N’ayant aucune des clés de mon domicile, je me dois de trouver un moyen alternatif d’entrer. Ce qui m’inquiète, c’est de pénétrer les lieux sans avoir vérifié au préalable. Je n’aime pas ça. Car s’il est vrai que je me sens invincible avec cette tenue, je ne suis pas du tout à l’abri d’une attaque de mort-vifs pour autant.

Prudence n’est-elle pas mère de sureté ? Je renoue avec mes nouvelles habitudes. Tout d’abord, la prise d’informations. J’ausculte les environs. J’observe à chacune des fenêtres s’il y rôde une silhouette malveillante. Rien. Je m’approche alors de la porte d’entrée et tente de l’ouvrir. Verrouillée. Bon… De deux choses l’une : soit je force la porte, plutôt solide, à coups de hache au risque d’attirer tous les mort-vifs restants du quartier, soit je la joue plus discrète. La petite ruelle qui mène à l’arrière de la maison me permettrait de passer par le jardin et de là, de m'introduire par la porte de derrière. Intéressant mais les ruelles sont les pires des pièges. Niveau pris en étau, on ne fait pas mieux. Je me tâte, j’hésite sincèrement. Mais ai-je tant le choix ?

Allez, c’est parti pour la ruelle. Après tout, ne suis-je pas invincible ?

Je la traverse en faisant un minimum de bruit. Je marche sur la pointe des pieds, évitant soigneusement les moindres détritus qui encombrent le sol. Pas à pas, je franchi en silence la ruelle puis rejoins le jardin.

J’ai bien fait d’être discret. Deux mort-vifs rôdent par ici. Peut-être y en a-t-il d’autres. Difficile à dire d’où je suis. Deux solutions s’offrent à moi. Soit je les attaque en frontale, soit je tente de rentrer discrètement sans qu’ils ne me voient. J’opterais bien pour la seconde solution tant je suis fatigué. Je fais un ou deux pas supplémentaires. Petit à petit, toujours d’un pas léger, je me rapproche un peu plus de la porte. J’agrippe alors sa poignée et la tourne minutieusement afin de l’ouvrir. Ca y est presque, le loquet lâche, je peux commencer à la pousser.

- Gouiiiiinnnnnnn !

Saloperie de vieille porte qui grince ! Il ne manquait que ça pour les provoquer. A peine ai-je eu le temps de grimacer qu’ils se sont retournés, captés par le couinement des gonds. Si j’avais voulu trouver un moyen de les appâter, je n’aurais pas fait mieux. Ni une, ni deux, je me glisse à l’intérieur de la maison et referme la porte derrière moi. Mais ils sont particulièrement coriaces ces deux là. Ils se sont jetés dans ma direction en un rien de temps et ils semblent dotés d’un appétit d’ogre.

- Bling !

Leur férocité est telle qu’ils parviennent à casser les carreaux de la vitre. Je dois rapidement me dégager et dégainer mes armes. Aussi vite que possible, je fais alors deux pas en arrière mais ils parviennent à forcer la porte et me projettent à la renverse. Je suis en très mauvaise posture. Adossé au sol, la hache n’est plus utilisable. Le premier mort-vif est juste devant moi, prêt à me sauter dessus. Je pointe alors le couteau en avant et vise son visage.

- Allez, viens là, raclure ! Saute-moi dessus pour voir.

Schlouing ! En me bondissant dessus, il s’empale de lui-même le visage sur la lame du couteau. Radical. Mais mon couteau est dorénavant bloqué dans sa gueule et je n’arrive pas à le dégager. Je n’arrive d’ailleurs pas à me dégager moi-même et le second vient tout juste de rentrer à son tour. Je suis foutu si je ne parviens pas rapidement à récupérer le sabre dans ma botte. Trop loin ! Dans cette position, avec le macchabée avachi de tout son poids sur ma personne, je n’arriverai jamais à récupérer une arme. Et le deuxième salopard arrive, je l’aperçois à quelques pas de moi. Je tente de pousser le cadavre qui m’immobilise, de le dégager sur le côté mais il pèse une tonne ce satané monstre. L’autre se prépare à se jeter sur moi à son tour. Le couteau est bloqué, la hache est inaccessible, le sabre est hors d’atteinte. Je suis fini. Pourvu que la tenue me protège !

- Bam !

Pastèque. Sa tête a éclaté sous mes yeux. Un coup de feu est parti de je ne sais où pour lui exploser la cervelle. Qui ? Quoi ? Les militaires ? Peut-être. Sans perdre une seconde de plus, je fini de me désencombrer et me relève, dégainant mon sabre au passage, puis j’examine aussitôt tout autour de moi pour comprendre d’où le coup a bien pu être tiré.

- Pas un geste ou je vous plombe comme le monstre !

Je reconnais cette voix. Je la connais même très bien.

- Madame Sanchez ? C’est moi, c’est Rodrick !

- Rodrick… Monsieur Miles ?

- Oui, c’est bien moi, c’est ça… Monsieur Miles.

- Eh bien dites-moi, je ne vous avais pas reconnu dans cette tenue. Mais vous êtes pompier maintenant ? Je croyais que vous travailliez sur les plateformes pétrolières ?

- C'est-à-dire que… Oui, en effet, je travaille sur les plateformes mais… Enfin… Disons que des amis soldats du feu m’ont demandé de leur venir en aide et… Vous me connaissez, toujours la main sur le cœur, je n’ai pu refuser. Alors ils m’ont équipé le temps d’un job à temps partiel.

- Oh… A vrai dire je ne vous connais pas très bien, Monsieur Miles. Le plus discret des locataires comme vous appelait la dame du premier. Mais veuillez refermer la porte s’il vous plait. C’est qu’il commence à faire froid à cette période de l’année.

- Oui, j’en conviens.

Je referme rapidement la porte à double tour, récupère mon couteau, puis rejoins la gardienne qui recharge son arme avec une certaine habileté.

- Je ne vous connaissais pas des talents de tireur d'élite, Madame Sanchez.

- Vous savez jeune homme, les guerres transforment les gens. En quelques heures à peine, l’on passe de paysan avec une fourche à la main, à soldat avec un fusil à la place. Les vieux de notre âge en ont vu de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres comme dirait mon époux. Mais venez donc prendre un thé, cela vous réchauffera.

C’est avec un certain plaisir que j’accepte son offre. En temps normal, j’aurais refusé. Passer une heure à écouter une vieille dame déblatérer ses histoires n’est pas pour me réjouir. Mais là, je lui dois la vie, alors si je peux lui offrir d’être un auditeur de premier rang pendant un moment, ce sera un bien petit prix à payer en échange d’une vie sauve.

Madame Sanchez est la concierge de l’immeuble. Elle sait tout sur tout des habitants de ce bâtiment très commun de cinq étages comme il y en a un peu partout dans cette ville. Elle récupère le courrier, fait un semblant de ménage dans les parties communes et touche ses étrennes tous les ans à Noël. Voilà à peu près son rythme de vie. Son mari est handicapé et il ne peut plus marcher suite à une rupture d’anévrisme. Mais elle a toujours bien pris soin de lui. Pourtant, il ne peut même plus parler d’après ce qu’en disent les voisins. A dire vrai, je n’ai jamais été vérifier. En toute honnêteté, je m’en fiche un peu de la vie de la gardienne. Mais aujourd’hui, je m’en fiche un peu moins et j’accepte donc de la suivre dans son appartement avec une sincère reconnaissance pour son geste.

- Entrez donc. Mais je vous demanderai de bien vouloir retirer vos chaussures, Monsieur Rodrick, le parquet est sensible.

- Le parquet ? Oui, bien évidemment, quoi de plus important qu'un beau parquet ?

Je commence à peine à délasser mes bottes que j’entends le grognement. Il est reconnaissable parmi mille, c’est celui des mort-vifs. Illico-presto, je dégaine ma hache.

- Madame Sachez, restez derrière moi. Il y a un monstre chez vous !

J’avance prudemment de pas chassés pour regarder à travers ce qui semble être la porte du salon d’où vient le bruit lorsque la vieille dame me devance d’un pas assuré.

- Oh oui, je sais bien qu’il y a un monstre chez moi, c’est mon mari.

Elle passe alors la porte sans se soucier du danger.

- Mais qu’est-ce que vous faites ? Revenez Madame Sanchez ! C’est dangereux.

Je bondis alors dans le salon pour tenter de la protéger mais indéniablement, la vieille dame ne risque rien. Car s’il y a bien un mort-vif chez elle, il n’est pas prêt de lui faire beaucoup de mal, la gardienne ayant pris soin de l’atteler à son siège.

- Nous avions pris pour habitude de l’attacher à son fauteuil pour qu’il n’en tombe pas depuis qu’il avait fait son AVC. Alors le jour où il s’est transformé, cela n’a pas changé grand-chose. A vrai dire, cela m’a même facilité la vie. Je n’ai plus besoin de cuisiner pour lui, ni de le nettoyer, ni même de le coucher… Il reste ici du matin au soir à me porter compagnie. Il n’a pas beaucoup de conversation mais vous savez, cela fait déjà vingt ans qu’il n’en a plus. Depuis son AVC en fait…

- Mais pourquoi le gardez-vous comme ça ? Pourquoi ne pas en finir une bonne fois pour toute ?

- Mais enfin, Monsieur Rodrick, vous parlez de mon mari !

Et oui, je vois bien. Qui pourrait bien vouloir tuer son propre mari après tant d’années de vie commune ? Je comprends que le geste ne soit pas évident. Et puis, dans cet état, il ne risque pas de porter préjudice à qui que ce soit un minimum précautionneux.

Je déguste donc le thé de mon hôte avec beaucoup de plaisir et une légère crispation dans la main droite, prête à dégainer ma lame si le monstre se montrait un tantinet trop remuant.

Mais après une bonne demi-heure à écouter les histoires et autres anecdotes de la concierge, je m’apprête à lui sortir la phrase magique.

- Et bien, ce n’est pas tout ça Madame Sanchez, mais j’ai du travail qui m’attend.

Oui, la fameuse phrase que l’on sort quand on ne sait plus que dire pour s'extraire d’une situation qui n’en fini plus de s’éterniser.

- Oui, je comprends. Je ne vous retiens pas plus longtemps. Mais vous ne voulez pas encore un peu de thé avant de partir ?

- Non c’est gentil, j’en ai bu bien assez.

- Alors prenez ces quelques gâteaux. Ils sont bien trop secs pour mes vieilles dents.

J’accepte histoire de couper court à la conversation, puis, après avoir salué la gardienne et pensé à lui demander le double de mes clés, je me rends chez moi, à l’étage supérieur.

Mon appartement sent le renfermé, comme à chaque fois que je m’absente un long moment sur les plateformes pétrolières. Pourtant, je prends soin de ne jamais complètement fermer la fenêtre, mais systématiquement, quelqu’un se permet de rentrer pour y faire le contraire. Et ce quelqu’un pourrait bien être cette chère Madame Sanchez  justement. Qu’importe.

Je suis complètement épuisé, et le thé n’a fait que m’assoupir d’avantage. Avant de faire la moindre recherche sur internet, ce que je souhaite avant tout, c’est prendre une bonne douche. J’espère juste qu’il reste suffisamment d’eau chaude.

Propre et débarrassé de l’odeur de sueur et de sang, je prends même la peine de me raser et de laver ma combinaison. Après tout, il n’est pas interdit d’exterminer des mort-vifs avec prestance.

Puis je m’installe devant mon portable, et y commence mes recherches. C’est passionnant tout ce que l’on peut apprendre sur un sujet que l’on découvre comme la navigation. Et c’est également particulièrement assommant et ennuyeux. A vrais dire, lorsque Liccha parlait de la façon de piloter un hélicoptère, il le faisait avec une telle connaissance du sujet, que l’écouter en était limpide et passionnant. Mais là, découvrir tout seul comment naviguer en mer est un véritable calvaire en ce qui me concerne. La mer ? Je n’aime pas. Elle me fait peur. L’être humain n’y est pas à sa place. La preuve, il coule ! Il n’y a bien que Jésus qui ne soit jamais arrivé à marcher sur l’eau. Il parait qu’il trichait en chaussant des sandales en liège…

Plus j’en apprends sur les bateaux et la façon de les diriger et plus je peux le dire : c’est bien la plus stupide des idées que de vouloir s’enfuir en bateau ! Peut-être devrais-je abandonner là. Peut-être devrais-je emprunter une voiture, là dans la rue juste en bas de l’immeuble et prendre la première route qui se présentera pour sortir de la ville. Mouais… Celle-ci est indéniablement une idée idiote. Idiote car tellement simple que c’est bien la première que la majorité des gens ont eu. Et c’est bien pour cela qu’ils se sont tous fait croquer par les mort-vifs, bloqués dans les embouteillages.

A la vérité, si prendre la mer ne me réjoui pas, il faut bien reconnaitre que cela reste de loin la meilleure des théories pour survivre.

Allez Rodrick. Il est temps de le mettre en place, ce fameux plan. Tout d’abord, la radio. Je dois me tenir informé des éventuelles évolutions à l’extérieur. L’armée a-t-elle complètement perdue le contrôle de la ville ? Y a-t-il des zones à éviter plus que d’autres ? Et existe-il des zones sûres à emprunter ? En fouillant sur le site web de la ville, je dégote la radio locale.

- « … moins 51 minutes. Je répète, heure h moins 51 minutes. »

- Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? De quoi parle-t-il ? Quelle heure h ?

- « Dong ! Heure h moins 50 minutes. Dong ! Population d’Aberdeen. Ceci est un message de l’armée. La ville va être bombardée au napalm dans 50 minutes. Nous vous invitons à vous protéger dans les caves qui seront les moins impactées par les bombardements. Camouflez portes et fenêtres, recouvrez-vous de couvertures aspergées d’eau et ne sortez plus jusqu’à nouvel ordre. Branchez la radio sur le canal 101.2 une fois le bombardement terminé pour de nouvelles instructions. »

- Ah les salopards ! Ils vont nous griller comme des sardines !

Le temps presse. J’avais l’impression que je pouvais continuer à préparer mon projet tranquillement, en sirotant une bière. Mais il n’en est rien. Bien au contraire, le compte à rebours n’a jamais été aussi précis. Je le règle sur ma montre. Je ne veux pas prendre le risque de me tromper d’une minute sur le temps restant.

Je saute sur ma petite armoire à provision. Presque vide ! Forcément… J’embarque tout ce qu’il y reste, plus la boite de gâteaux de la voisine. Comme quoi, j’ai bien fait de l’accepter. Je plis également mon ordinateur portable, tout en prenant garde de na pas oublier le chargeur. Enfin, j’embarque mon vieux Smartphone. De mémoire, l’écran tactile était devenu un peu capricieux. Mais qu’importe, il pourrait m’être utile. J’ai glissé mon passeport dans mon sac à dos, au cas où.

J’équipe ensuite ma combinaison à la vitesse « grand V ». Je prends soin de bien la refermer. Inutile de prendre des risques à ce niveau-là. Comme je le dis souvent, ne pas confondre vitesse et précipitation.

Mes armes sont en place, le sac à dos ne bloquant pas la sortie de la hache si nécessaire. J’imprime les quelques informations importantes relatives au pilotage d’un bateau ainsi que le plan du port de plaisance. Je ne compte pas emprunter un cargo, mais bel et bien un petit bateau maniable et confortable.

Un dernier coup d’œil dans cette pièce que je quitte très certainement pour la dernière fois puis je referme la porte à clé comme pour sceller une partie de mon passé. Les plateformes pétrolières et son univers de « pipe », pour moi, c’est terminé.

- Bam !

La voisine ! On a tiré chez la voisine. Je dégaine ma hache d’un geste réflexe et descends au pas de course chez la gardienne. J’entre dans l’appartement convaincu par une odeur de souffre ne laissant plus de doute sur la provenance du coup de feu.

- Madame Sanchez ? Madame Sanchez, vous êtes là ?

Je me rapproche du salon et y trouve la vieille dame faisant face à son mari, ou du moins ce qu’il en reste. C’est que la concierge est d’une précision chirurgicale lorsqu’il s’agit de viser la tête.

- Il m’a mordue ! Vous m’entendez ? Le malotru m’a mordue ! Avec tout ce que j’ai fait pour lui depuis plus de vingt ans, Monsieur a trouvé le moyen de me mordre.

Effectivement, de sa main gauche jaillie suffisamment de sang pour comprendre que le monstre ne l’a pas manquée.

- Madame Sanchez, je suis sincèrement désolé pour votre mari…

- Je vais finir comme lui, n’est-ce pas Monsieur Rodrick ? Je les ai vu les voisins… Les uns après mes autres… Se transformer en monstres affamés.

- Je ne tiens pas à vous mentir, Madame. J’ai bien peur que vous finissiez par ressembler à l’un d’entre eux à votre tour.

- Je n’y tiens pas, Monsieur Rodrick. Me comprenez-vous ? Vous, vous savez quoi faire, n’est-ce pas ?

- Bien entendu que je vous comprends. Alors finissons-en rapidement si vous le souhaitez ainsi.

- Oui, il est temps que j’aille le rejoindre là haut. Là haut avec Dieu, loin de ce monde affreux.

Son visage est terne. Son regard livide fixe le néant. Je lui retire le fusil des mains d’un geste simple et lui fais signe de sortir de la pièce.

- Rendons-nous dans le couloir, à l'extérieur, si vous le voulez bien. Évitons de souiller le parquet…

Elle commence alors à faire quelques pas devant moi puis d’un mouvement limpide faisant siffler l’air, je la décapite d’un coup sec, sans lui laisser le temps de traverser la pièce, bien loin du couloir.

Je ne tenais pas à me retrouver dans la situation du bourreau, la victime à mes pieds, me suppliant de la tuer. Je ne voulais pas vivre ça. Je ne voulais pas revivre ces secondes qui paraissent des minutes. Je ne souhaitais pas qu’elle ne le vive non plus. J’ai préféré en finir au plus vite. Elle n‘a pas eu le temps de voir venir le coup et d’en imaginer l’horreur. Nous méritons tous beaucoup mieux que de subir ces abominables émotions.

De la peine, encore et toujours. Mais pas seulement. De la rage également. Et une colère noire d’avoir à supporter ces évènements là. Quand je pense que je dégustais un thé avec elle il y a moins d’une heure… Cette vie est dégelasse. Je ne m’y ferai jamais. Mais le pire de tout, c’est de penser qu’il n’y a pas de responsable immédiat, ou en tout cas, aucun de connu. Lors d’un crime, on trouve le meurtrier et on lui fait payer sa faute au prix fort. Années de prison, peine de mort, lapidation en place publique, l’humanité ne manque jamais d’imagination lorsqu’il s’agit de se venger d’un geste cruel, d’un geste inhumain. Mais aujourd’hui, qui va-t-on emprisonner ? Les mort-vifs ? Auront-ils droit à un procès équitable ? Quelle blague… Et quelle frustration. Car aussi odieux soient leurs actes, je peux en mettre ma main à couper, les morts-vifs n’ont plus aucune conscience, et certainement pas celle de faire du mal. Les mort-vifs sont morts, et les morts n’éprouvent aucune compassion. Voilà tout ! Alors, qui va-t-on juger pour tout ceci ?

Un énorme ronflement me sort de mes pensées. Le ronflement d’un moteur d’hélicoptère. Je dirais même de plusieurs hélicoptères.

Je regarde ma montre une dernière fois. Plus que 42 minutes. Je n’ai plus le temps de m’apitoyer, le brasier se prépare.

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