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Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
  • Mort et vif à la fois, comment est-ce possible ? Suivez les histoires de personnages communs et hors du commun à travers un monde infestés de morts vivant. Lorsque la situation devient extraordinaire, certains personnages se révèlent l'être tout autant.
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17 mai 2014

Mort et Vif - Tome I - Chapitre 31

Cet abri est le pire que je puisse trouver. Quel froid glacial ! Et quelle ambiance digne d’un film d’horreur. Seuls quelques néons scintillant viennent éclairer les murs grisonnants de la pièce. Quelle idée stupide ai-je eu de me réfugier dans la chambre froide de ce restaurant ? Pourtant, cela me paraissait être une bonne idée sur l’instant. « Une cachette bien au frais ! » m’étais-je même esclaffée en y pénétrant. N’importe quoi ! Mais comme bien souvent, je ne vais pas chercher plus loin que le bout de mon nez. Et si ce frigo géant me paraissait la planque idéale pour me protéger de la chaleur des bombardements à venir, je n’avais pas pensé qu’il serait aussi difficile de résister à son froid polaire. Quelle tache je fais ! A quoi sert une formation d’infirmière pour tomber dans un piège pareil ? Depuis quand le corps humain peut-il résister à des températures aussi faibles ? En fait, ma plus grosse bêtise, c’est de m’être précipitée sans prendre de quoi me couvrir suffisamment. Car après tout, les Inuits vivent dans bien pire environnement, et ils n’en meurent pas, eux.

Bah… Arrête de te plaindre ma grande. Inutile de tout dramatiser ainsi. Rappelle-toi la situation d’urgence dans laquelle tu étais quelques minutes auparavant. Vois le bon côté des choses ; le froid atténue la chaleur de mon corps, les battements de mon cœur et l’odeur de mon sang, et la pièce est particulièrement bien isolée pour y dissimuler mes bruits. Bref, les mort-vifs ne sont pas prêts de m'y dénicher. Et c’est déjà ça de pris.

Bon, tout d’abord, se réchauffer ne serait pas du luxe. Avec ce froid, l’hypothermie me guette et je ne tiens pas à finir comme les immondes morceaux de barbaque qui m’encerclent. Fouillons un peu la pièce, car ce frigo n’est rien d’autre qu’une grosse réserve, de la taille d’une salle à manger, pleine à craquer de nourritures s’entassant sur des armoires métalliques de fortune.

Je déniche quelques torchons que j’enroule le long de mes bras et de mes jambes pour les réchauffer mais le plus intéressant, c’est cette magnifique veste de cuisinier, presque propre. Elle a même un col relevé cintré. Quelle classe. Je l’enfile par dessus mes vêtements. Elle est plutôt lourde, en tout cas, beaucoup plus qu’elle ne le laisse transparaitre. Très certainement le fruit de cette maille serrée dont la toile est tissée. Epaisse et robuste, elle pourrait même me protéger d’une morsure de mort-vif sur un coup de chance. Dommage qu’elle ne soit pas à ma taille… Il y a également une toque juste à côté, mais je crois que je vais m’en passer. Bien, tout ceci ne changera pas drastiquement la situation, mais cela atténuera un tantinet le sentiment de « je me les gèle ».

En fouillant d’avantage, au milieu des couteaux, hachoirs, fouets, et autres pelles à tarte, se trouve un masque, du genre de ceux que doivent porter les employés pour ne pas postillonner dans les plats qu’ils cuisinent. Eh bien, il semblerait que ce restaurant se donnait la peine de faire les choses proprement. Encore que… Si les masques sont ici dans la réserve et non pas en cuisine, c’est peut-être bien qu’ils n’étaient pas souvent portés. Mouais, qu’importe, je n’étais pas cliente de toute façon. Ce masque filtrera l’air frais avant que je l’inspire, le réchauffant légèrement au passage. Mes poumons apprécieront.

Schouiiiing ! La porte est en train de s’ouvrir. J’avais pourtant bien pris soin de la refermer derrière moi pour qu’aucun mort-vif ne vienne me chercher ici. Et ces sales bêtes ne sont pas capables d’ouvrir les portes. Leur mécanisme est bien trop compliqué pour leurs facultés psychomotrices. Alors c’est que quelqu’un d’autre est en train de s’introduire ici. Et ce quelqu’un est bien vivant. Dois-je m’en réjouir ? C’est que j’ai appris à devenir prudente ces dernières heures. Peut-être devrais-je me dissimuler le temps d’observer qui cela peut bien être. Oui, c’est ça. Evitons les risques inutiles. Je me fais toute petite et j’observe.

- Allez, encore un effort frangin. Voilà, c’est ça, assied-toi là.

Deux gugusses viennent de faire irruption dans ma tanière, et l’un d’entre eux ne semble pas être dans un bon état. Son acolyte, la vingtaine, l’a difficilement trainé jusqu’ici. Qu’a-t-il bien pu leur arriver à ces deux types ? Comment ont-ils survécu ? Comment sont ils arrivés là ? Et pourquoi l’un des deux est-il blessé ? Car c’est bien là la question la plus importante. Je n’en ai rien à faire de leur vie. Par contre, si le blessé a été mordu, alors il est une bombe à retardement. Dans quelques instants il se transformera, mangera son copain, puis les deux monstres me tomberont dessus dans la foulée. Ce n’est pas tout à fait la pause tranquille à laquelle j’aspirais en m’abritant ici.

Que faire ? J’imagine qu’il est temps d’agir. Je devrais aller les voir pour en avoir le cœur net. S’il a été mordu, je lui mets une balle dans la tête. Et s’il est blessé pour une autre raison, alors…

Alors quoi ? Si je sors et qu’il n’est pas mordu, je pourrai peut-être lui prodiguer quelques soins. Ne suis-je pas infirmière de métier après tout ? Pourquoi voir le mal de partout ? Pourquoi s’en prendraient-ils à moi ?

J’hésite à me montrer. J’aimerais être d’avantage rassurée ? Si je pouvais dénicher d’autres informations, quelque indice que ce soit, alors je me découvrirais moins à l’aveugle. Et puis, j’ai encore fait une grosse bêtise : mon arme est restée sur une étagère proche de la porte d’entrée. Quelle merde !

C’est la panique à bord tout à coup ! Je la sens me parcourir le corps tout entier. Et ces frissons ne sont pas dus aux basses températures qui règnent ici même. Non. J’ai merdé, et je le regrette profondément.

Je ne peux attendre. S’il se relève en mort-vif… Je ne veux l’imaginer. Et puis, le valide commence à fouiller autour de lui. Bientôt il tombera sur mon arme, puis sur moi. Alors il me faut agir. Intelligemment.

J’y vais, j’improvise. Mais je garde mon objectif : savoir s’il a été mordu. Et si tel est le cas, je trouverai un moyen de récupérer mon arme et d’en finir avec lui.

Je me lève d’un mouvement décidé, fais quelques pas dans leur direction et les interpelle alors qu’ils ne m’ont pas encore vu.

- Il a été mordu ? Ton ami, ils l’ont eu ?

Alors que l’homme à terre ne bronche pas d’un iota, son acolyte se retourne immédiatement et me fixe, les yeux écarquillés tel un poisson fris.

- Hey, qu’est-ce tu fous là ? Et tu es qui, toi ?

Je m’approche d’un pas assuré. Je veux qu’il pense que je maitrise la situation. C’est moi qui mène l’interrogatoire, c’est moi qui mène le bal.

- Ce n’est pas la réponse qui correspond à la question que je t’ai posé. Je répète. Il s’est fait mordre ou non ?

Maintenant que je suis à leur portée, sa réponse m’est devenue bien inutile. Malgré le faible éclairage de la pièce, il est clair et limpide comme une énorme marque de morsure sur un avant bras en partie déchiqueté que cet homme ne va pas tarder à se transformer. Ils ne l’ont pas loupé celui-là. Il est foutu et il va falloir envisager la suite du plan : recouvrer mon arme. Et le faire rapidement.

- Et toi ? Tu t’es fait mordre également ?

- Non, non, je vais bien moi. Mais tu es qui, toi ? Qu’est ce que tu fais là ? Tu travailles ici ? Tu es le cuistot ?

Je ne lui réponds pas directement. Je suis la reine qui mène le bal. Et je me dois de continuer à poser des questions pertinentes si je veux garder le contrôle de la situation.

- Quand est-ce arrivé ? Cinq minutes ? Dix minutes ? Une demi-heure ?

- Je ne saurais pas dire précisément. On cherchait une planque à cause des bombardements alors on est descendu et... Tu sais qu’ils vont tout bombarder ? Tu es au courant, hein ? Ils vont cramer les monstres. C’est une super nouvelle, non ? Tu crois que…

- Tu parles trop. Calme-toi. Et ton copain, il parle, lui, d’habitude ? Ou il est naturellement muet ?

- Hey frangin, répond à la miss. Dis quelque chose Ross. Et tiens le coup frangin, je vais trouver un moyen de te soigner, tu sais.

J’ai bien peur que ce soit fini pour lui. Il n’a pas dit un mot, ni même redressé la tête depuis que je me suis montrée. Hum… Je crois qu’il devient urgent de l’exécuter car je ne lui laisse que quelques secondes avant de nous sauter dessus.

Je fais un pas de côté et commence à prendre mes distances tout en me rapprochant de l’étagère où se trouve mon arme, mais il va me falloir ruser. Si le valide se rend compte de mes mouvements suspects, il pourrait compliquer l‘affaire. D’autant que ces deux loustics n’ont rien d’enfants de chœur. Car s’ils sont toujours en vie, c’est qu’ils ont de quoi survivre, et le pistolet que tient l’atrophié n’est certainement pas étranger à leur survie. Occuper le valide pour qu’il ne se doute de rien, pour qu’il ne voit rien venir, sera la bonne tactique.

- Maintient ton frangin, il risque de s’effondrer. Moi, je regarde si je trouve de quoi lui penser sa plaie.

Le jeunot est un peu naïf semble-t-il. Il se rapproche de son frère sans ne prendre aucune sécurité. Est-ce le lien du sang qui rend si crédule ? Je serais surprise qu’il ne sache pas que la transformation ne va pas tarder à s’accomplir. Moi, je le fixe bien du regard cet atrophié. Je ne veux pas être pris au dépourvu lorsqu’il se relèvera en mort-vif. Allez, encore deux ou trois pas de côté et je pourrai me jeter sur mon Famas.

- Gronnnnnnn…

Et voilà, ce qui devait arriver arriva, la transformation a opéré. Ni une, ni deux, d’un dernier bond de gazelle, je saisis mon arme et me retourne tout en m’accroupissant pour bien camper sur mes appuis comme me l’a appris Gordon. Je redresse immédiatement le canon du fusil, vise la tête et….

BOOOOUUUUMMMM ! Zut, plus de lumière. Qu’est ce c’était que ça ? Le bombardement ? Oui, ce fichu bombardement est arrivé au pire des moments. Sous l’impact de l’explosion, tout le bâtiment s’est mis à trembler et les néons de la pièce se sont aussitôt éteints. On n’y voit plus rien. Le noir absolu. Moi, un mort-vif et un paumé isolés dans l’obscurité la plus profonde. Y a-t-il pire situation ?

- Arrrggggghhh ! Rossssss, qu’est ce que tu…

Moi et deux mort-vifs esseulés dans le noir. Oui, comme quoi il y a toujours pire situation. Cette fois, je suis foutue, finie. Tout s’est passé tellement vite que je n’ai pas eu le temps de paniquer. L’effet de surprise le plus total. Je ne m’y attendais pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y a quelques secondes de ça, je m’apprêtais à faire feu, en position de force face à l’ennemi. Et là, une fraction de secondes plus tard seulement, je me retrouve prise au piège. Les attributions se sont complètement inversées, car la proie, dorénavant, c’est moi.

Le trac me gagne. Il me fige si bien que je suis incapable de bouger. Pourtant, je voudrais bien dégager. Reculer de quelques pas pour prendre mes distances en priant bien fort que le courant revienne. Mais rien ne se passe. Plus aucun de mes membres ne répond. Figée, telle une statue de pierre, comme médusée dans le temps. D’ailleurs, dans l’obscurité absolue, le temps semble s’être arrêté. Plus rien ne vient interrompre cet instant. La seule chose qui pourrait le faire, c’est la lumière. Qu’elle revienne ! Je vous en prie, faites que la lumière revienne. Oh oui, faites-le… S’il vous plait… Je ne peux pas avoir survécu à tant de dangers pour me faire dévorer dans le noir, perdue dans le temps. C’est une fin horrible que de ne même pas voir l’instant de sa mort tout en sachant qu’elle est imminente. Je ne veux pas de ça. Je ne veux pas finir comme ça. Faites quelque chose, je vous en prie. Rallumez cette satanée lumière !

Rien. Aucune réponse. Le néant. En fait si, un son. Le bruit répugnant d’un mort-vif grignotant. Le bruit de la chair sanguinolente se faisant arracher par à-coups. Dégueulasse ! Et bientôt, je serai le prochain festin. Ma chair sera déchiquetée comme celle d’un vulgaire poulet. Deux mort-vifs s’en donneront à cœur joie. Personne ne sera là pour les en empêcher. Ils dégusteront mes lambeaux de barbaque telle de vulgaires charognes, jusqu’à ce que je me relève transformée en mort-vif à mon tour.

Mais qu’il cesse à la fin ! Qu’il cesse de me torturer de ce bruit macabre. Je n’en peux plus de l’entendre se goinfrer comme un porc !

Peut-être est-ce le moment de le faire. Après tout, je n’ai pas besoin d’attendre qu’ils ne m’étripent. Je tiens une arme, une arme à feu. L’objet idéal à retourner contre soit pour mettre fin à ses jours. Il me suffit de la pointer sous ma gorge, en direction du sommet de mon crâne et d’appuyer sur la détente. Une seule balle me sera fatale. Je n’aurai même pas le temps de me voir mourir. Le choc émotionnel sera tel que je tomberai inanimée avant que l’hémorragie cérébrale finisse le travail. Infaillible.

Mais est-ce bien ce que je veux ? Suis-je prête à abandonner maintenant et à plus le revoir ? Lui que je poursuis sans relâche depuis que Gordon m’a faite sortir du parking de l’hôpital. Suis-je certaine de vouloir le laisser à Selma. Elle est une bonne nounou, elle fera une bonne mère, à n’en point douter.

- Grooooonnnnnn….

Il m’a senti ! Il est à deux pas de moi, peut-être trois. Je devrais tenter de déguerpir pour lui échapper. De toute façon, mon corps ne répond plus. Même mettre le canon sous ma gorge m’est impossible. Je suis totalement tétanisée. Rien, pas le moindre geste d’envisageable. Je me demande même si je respire encore depuis la coupure de courant. Mon cœur a dû cesser de battre. Je suis très certainement en apnée depuis plusieurs secondes. Le temps s’est suspendu et il m’a figée avec lui. Je le ressens au fond de moi. Et seuls les morts y sont insensibles.

- Gron, gronnnnnnnn…

Il se rapproche. Le son est plus présent. Me sent-il ? En tout cas, il ne risque pas de m’entendre.

- Grooooooonnn…

Il déambule, il se tourne. Comme s’il ne m’avait pas encore localisée. Est-ce le noir qui le gène ? Non, certainement pas.

- Gronnn, gronnnnnn…

Il ne me voit, et ne me sent pas plus. Est-ce le froid qui masque l’odeur de mon sang ? Ou bien mon cœur a-t-il réellement cessé de battre ?

- Gronn…

Oui, c’est ça, dégage sale monstre. Il s’éloigne. Il ne m’a pas vu, ni senti, ni même détectée. Je ne sais par quel miracle c’est arrivé, mais pour lui, je n’existe plus.

Pouf, je souffle.

- Gronnnnnnnnnnn...

Et je n’aurais pas dû ! Il m’a senti souffler. Oui, bien entendu. Dorénavant il sait que je suis là.

Quelle panique. Des frissons me traversent le dos et viennent mourir juste derrière mes oreilles. Glacial ! C’est horrible, à la limite de l’ulcérant. Mais le pire, c’est le monstre qui se rapproche. Je ne le vois pas, je ne le sens pas, mais je l’entends trainer ses pieds.

Ok. Si c’est ainsi, alors qu’il s’approche encore un peu. Qu’il s’oriente vers moi. Que ses grognements s’alignent avec le bout de mon canon, et je n’aurai plus qu’à faire feu.

- Grooooooonnnnn…

Voilà c’est ça. Viens me chercher saloperie.

- Gronnnn !

Bam ! Dans l’épaule ! Lors du coup de feu, un flash surpuissant a éclairé la pièce un très court instant et je l’ai discerné, à deux mètres de moi tout au plus, se prendre la balle dans l’épaule. Dommage…

Il me reste des munitions. Une bonne quinzaine. J’ai de quoi me le faire. Pas de panique ma grande, on recommence. Vise le son. Attends son nouveau grognement et vise le bien. Le plus précisément possible.

- Gron…

Trop court, trop faible. Ca ne me donne aucun indice suffisant pour l’aligner.

- Mais tu vas gueuler nom de Dieu ! Crie donc !

- GRROOONNNN !

Bam ! Dans l’épaule, encore une fois. La bonne nouvelle, c’est qu’à chaque fois que je le touche, l’impact du coup de feu le fait reculer d’un bon pas. J’arrive ainsi à conserver une distance de sécurité, c’est rassurant.

Mais viser l’épaule indéfiniment ne me mènera à rien. Je dois comprendre ce qu’il se passe. Je tire trop bas et je ne suis pas bien alignée avec sa tête. Il doit bien y avoir une raison. Une raison des plus cartésiennes. Cherche Marlène, cherche à comprendre.

- Gronnnnn…

Bam ! Dans la carotide. Mais vise plus haut Marlène, ce n’est quand même pas compliqué de viser plus haut.

Je n’y arriverai jamais de cette façon. Les balles partent, mais lui me revient inlassablement. Il est temps de tester autre chose. Il me faudrait un moyen de faire feu plus longtemps, de telle sorte que les flashs successifs agissent comme une torche. Ainsi, je pourrais, petit à petit, lui ajuster la tête.

Et je connais la solution. Encore une fois, je vais devoir te remercier, mon cher Gordon. Le mode rafale dont tu m’avais parlé. Il est plus que temps de l’activer. De mémoire, c’est un petit taquet sur le côté de l’arme. Il y a trois crans m’avais-tu dit. L’un pour la sécurité, et à l’opposé, le mode rafale. Alors en avant ma grande. C’est parti pour la rafale.

Baaaaaaammmmmmm ! En pleine tête! Je l’ai eu, ça y est, je l’ai eu. Je ne sais combien de balles ont fusé, mais je suis sûre de l’avoir abattu dans l’œil droit. Je voudrais pouvoir confirmer son exécution mais le noir règne toujours dans cette pièce. Qu’importe, je me sens fière de moi. J’ai su me montrer impitoyable. Je me suis battue jusqu’au …

- Gronnnnnnn…

Ce n’est pas possible ! Je l’ai eu ! Je l’ai vu éclater comme un gros fruit rouge sous les flashs des tirs. Je suis certaine de l’avoir touché là où il faut. Alors… C’est que le petit frère s’est relevé à son tour. Mais quelle merde, je ne m’en sortirai jamais.

« Don’t panic » ma grande. Maintenant, tu connais la technique. Tu mitrailles en rafale tout en visant la tête, une balle finira bien par se loger entre ses deux yeux.

Allez, concentre-toi. Attends le prochain grognement pour cibler le son de sa gueule.

- Gronnnnnn….

Voilà, maintenant. Bbbaaaammmm ! Schlink ! Schlink ! Schlink !

Plus de minutions ! Ce n’est pas possible ! Pas maintenant. Pas ça. Ca ne se fait un coup pareil. Comment vais-je faire maintenant ? Je ne peux même plus mettre fin à mes jours ! Si seulement j’avais gardé une dernière balle pour moi. Si seulement…

Bouge ! Bouge tout de suite Marlène. Les dernières balles l’ont repoussé un peu plus loin, alors profites-en pour te faufiler plus profondément dans la pièce. Essaie de gagner un peu de temps et de trouver une autre solution. Car c’est toujours comme cela que ça se passe ; une solution viable se présente toujours au moment le plus opportun.

Je recule en rampant sur les fesses. J’essaie de faire le chemin inverse afin de retrouver l’endroit où je me cachais lorsqu’ils ont tous deux surgit dans la pièce.

Je bouge prudemment. J’affectionne d’être discrète. Surtout, qu’il ne m’entende pas. Ne pas prendre le risque de se faire repérer. Je me déplace tel un chat, mes paumes de mains atténuant les bruits de chacun de mes gestes.

- Gronnnnn…

Mais il ne m’abandonne pas pour autant. Il grogne car il me cherche. Il m’a détecté un peu plus tôt et il ne m’a pas abandonnée pour autant. Oh non. Je les connais bien les mort-vifs. Lorsqu’ils ont ciblé une proie, ils ne la lâchent plus. Alors il n’y a aucune raison que celui-ci échappe à la règle. Peut-être que les conditions jouent en ma faveur. Peut-être que ma température corporelle ayant chutée lui complique la tâche. Peut-être qu’il espère le retour de la lumière au moins tout autant que moi.

Qu’importe. Je suis bien en vie, mais mon arme n’est plus utilisable. Alors il me faut autre chose. Il me faudrait…

Zliiiinnnggg. Des grésillements… Les néons ! La lumière ! Enfin, la revoilà ! Maudite lumière. Tu n’es pas très intense, mais que ton retour me remonte le moral.

Je le vois ! A trois ou quatre mètres, pas plus. Il est de dos pour l’instant. Profites-en pour dégager. Recule, cache-toi, camoufle toi derrière ces étagères. Fais-toi oublier Marlène. Et prie pour qu’il ne te voit pas. Oh oui, prie fort, très fort.

Zut, il se retourne ! Et il m’a vu. Instantanément, je me décale derrière l’étagère pour me protéger mais il se jette sur moi comme un chien enragé et bouscule le meuble qui me tombe dessus et me maintient au sol de tout son poids.

Je ne comprends plus très bien ce qu’il se passe. Tout s’est déroulé tellement vite. Je ne m’attendais pas une seconde à ce qu’il agisse aussi spontanément.

Et maintenant, il n’est qu’à quelques dizaines de centimètres de moi. Seule une étagère nous sépare, et me protège pour l’instant de sa morsure et de ses doigts crochus qui tentent de m’agripper.

Je ne sais pas combien de temps il va s’agiter comme cela au dessus de moi, mais il m’est impossible de lui échapper. Je suis coincée, bloquée par le poids du meuble et du monstre qui s’est avachi dessus. Jamais je ne me dégagerai. Et c’est peut-être mieux ainsi, car cette étagère, aussi peu solide puisse-t-elle paraitre, est le dernier rempart entre ce monstre et ma chair. Alors, pourvu qu’elle tienne, car plus il force pour me croquer et plus elle se déforme sous le poids de ses gesticulations.

- Arhhh ! Lâche-moi sale monstre !

Il vient de m’agripper le bras gauche et s’en sert pour se hisser au plus près de moi. Il n’a jamais été aussi proche. Et l'étagère qui plie petit à petit…

- Ahhh !

Il m’a mordu ! Ce salopard m’a mordu l’avant bras. Ca y est, je suis finie. Je me suis fait avoir à mon tour. Finalement, j’aurai échoué. Pourtant, Dieu sait le mal que je me suis donnée. Je n’ai pas compté mes efforts pour te retrouver mon fils.

Excuse-moi Chris. Je suis désolée, et tellement triste de savoir que je ne te verrai plus jamais. Je suis tellement déçue que ta mère ne soit pas à la hauteur de la situation. Excuse-moi de pleurer Chris. J’espère que vous aurez plus de chance que moi, toi et Selma.

- Ahhh !

Mais ce salopard me mord de nouveau.

- Aïeuuuu ! Mais tu vas arrêter de t’acharner sur mon bras !

Dans quelques minutes, je ne serai rien d’autre qu’un sale monstre à mon tour. Alors à quoi bon lutter. Car ni les sanglots, ni le stress ne parviennent à changer ma personnalité. Et tant que je ne serai pas un mort-vif, je continuerai de me plaindre et d’insulter ce monstre. Je laisserai la rage en moi guider ma voix et mes actes. Et si les dernières minutes qui me restent d’humains sont contrôlées par ces sentiments, alors je vais m’en donné à cœur joie. Je vais l’insulter des pires mots, le haïr de toute mon âme… et le buter de ce couteau de cuisine. Plus qu’à l’attraper.

- Enfoiré ! Tu m’as eu, mais tu ne t’en sortiras pas ainsi. Je ne serai pas la seule à perdre. Je suis bien trop mauvaise joueuse pour accepter la défaite.

Je le tiens, ca y est. J’ai tendu mon bras droit aussi loin qu’il m’était possible de l’allonger, à m’en retourner les ligaments, et je l’ai capté d’une main ferme. Je n’ai pas eu besoin de m’y prendre à deux fois.

- Tiens ! Prends ça, sale chien galeux !

Et que je lui transperce l’épaule, le cou, le bras, et la tête. Combien de coups puis-je bien lui asséner ? Aucune idée. Sous l’effet de la colère, mes forces sont décuplées, et je ne m’interromprai que de fatigue. Lorsque le simple fait de sortir le couteau de sa chair abjecte et nauséabonde deviendra aussi difficile que de lui replanter la lame une énième fois.

- Plouick ! Tiens, ce coup là, c’est pour mon fils…

Encore et toujours, j’y retourne sans relâche. Ce mouvement de va et viens en est devenu machinal. Tel un robot d’une chaine d’assemblage répétant sans cesse la même et unique action. Planter, retirer, planter, retirer…

- Planter ! Je te haïs sale monstre ! Je haïs tout ce que vous me faites vivre depuis vingt quatre heures.

Retirer la lame, puis la planter de nouveau. Et je récidive encore une fois. Car il est toujours possible de recommencer le mouvement une ultime fois. D’ailleurs je n’imagine pas qu’il y ait de dernière fois. Même transformée en mort-vif, je suis certaine que je continuerai ce geste.

Mais là, j’étouffe. Trop de poids sur mon torse. J’ai un mal fou à respirer. A moins que ce soit les premiers effets de la mutation ? Ca doit être ça, je meurs donc j’arrête de respirer. Petit à petit, il devient plus difficile d’aspirer de l’air frais. Mon cœur doit être le premier à se rendre. Puis viendra mon cerveau quand il ne sera plus suffisamment irrigué d’oxygène. C’est donc ça, la fin.

Fin ou pas, je n’en peux plus d’étouffer. Il semblerait que mon corps n’est pas encore abdiqué et qu’il ne demande qu’à vivre encore quelques minutes de plus.

Est-ce l’instinct de survie ? Peut-être. Mais toujours est-il qu’il me faut pousser le monstre et l'étagère qui m’écrasent. Je commence à me libérer les deux bras puis tente de pousser le monstre de toutes mes forces du côté où penche le meuble. Mais il ne bouge que très peu. Il est d’un poids redoutable pour mes frêles petits bras.

Ca ne fonctionne pas. inutile d’insister. Si je ne parviens à les repousser, alors peut-être pourrais-je me dégager, même partiellement. Si je réussissais à me hisser un tantinet hors d’eux alors je pourrai enfin reprendre une bonne bouffée d’air frais. Car oui, l’air est frais ici, et pas besoin de crever pour le sentir.

J’attrape alors le pied d’un meuble juste derrière moi. Je l’agrippe bien fermement tandis que je me prépare à pousser l‘étagère de mon autre bras. Je l’ai placé de façon à faire levier avec mon coude. Je dois réussir à le lever ne serait-ce qu’un rien pour pouvoir me hisser de l’autre bras.

-Allez, pousse Marlène ! Poussseee !

BOUUUMMMM ! Encore un bombardement. Et celui-ci était plutôt destiné à un autre quartier de la ville. Par contre, les tremblements ont été tellement forts que je les ai ressentis jusqu’ici et qu’ils m’ont bien aidé. Car j’y suis presque. Je suis certes toujours bloquée, mais j’ai bien dû me libérer d’une dizaine de centimètres. Et je respire. Enfin. J’avale une énorme bouffée d’air frais.

- Poufffff.

Je ne pense plus à rien. Je ne fais que respirer à m’en exploser les poumons. Malgré la gorge serrée, l’air s’infiltre sans problème. Quelle renaissance.

Enfin, quand je dis renaissance… renaitre en mort-vif n’est pas exactement la résurrection la plus désirée. Et ce bras justement. Car s’il m’a bien rongé le bras, cela ne m’a pas empêché de m’en servir pour m’extirper. Je m'apprête à découvrir une morsure aussi terrible que répugnante mais...

- Nickel ! Il est impeccable ce bras. Par contre, le cuistot risque de faire la gueule quand je lui rendrai sa veste. Oh, je suis sûre qu’il ne m’en voudra pas.

Et je souris. Je ne peux m’empêcher de sourire, de sourire au destin. Entre le bombardement salvateur et la veste protectrice, il faudrait être aveugle pour ne pas y voir un signe du destin. Le genre de signe qui donne envie de s’accrocher à la vie.

C’est indéniable, je ne suis pas prête d’y passer, moi. Et je doute que le destin me garde en vie pour rien. Non, s’il me protège ainsi, c’est qu’il me veut du bien. Et mon bien, c’est mon fils.

- Soyez forts tous les deux, car maman arrive plus forte que jamais.

Enfin… Quand je serai définitivement sortie d’ici.

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