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Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
  • Mort et vif à la fois, comment est-ce possible ? Suivez les histoires de personnages communs et hors du commun à travers un monde infestés de morts vivant. Lorsque la situation devient extraordinaire, certains personnages se révèlent l'être tout autant.
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7 juillet 2014

Mort et Vif - Tome I - Chapitre 35

Pour ceux qui douteraient de l’efficacité du napalm,  je confirme qu’il n’a pas volé sa réputation. Et il n’a pas non plus menti sur son odeur. Une vapeur nauséabonde de plastique fondu a envahi la ville.

Le spectacle auquel nous faisons face est ahurissant. Le napalm continue de couler et de se consumer le long des façades des bâtiments. Il s’est infiltré au cœur des véhicules abandonnés dans les rues et les a rongés de l’intérieur. Je me demande dans combien de caves il est arrivé à pénétrer et combien de personnes il a bien pu y déloger, ou pire, y bruler vives. Ce produit n’est qu’une saloperie d’arme de plus. Je ne suis pas surpris qu’il ait été inventé par les américains.

C'est dans les années 40, afin de ralentir la combustion du pétrole des bombes incendiaires et des lance-flammes qu’un ingénieur a eu la brillante idée d’y mélanger des sortes de plastiques. Le pétrole très liquide est alors devenu une pate gluante, si bien qu’une fois projetée, elle colle à sa proie et continue de la bruler pendant des heures et des heures. Aussi ignoble qu’efficace pour détruire des quantités industrielles d’ennemis. Et quand je pense que ces braves gens reprochent aux autres de posséder des armes de destructions massives… C’est l’hôpital qui se fout de la charité. D’ailleurs, son utilisation en a été interdite dans les années 80 par les conventions de Genève. C’est dire l’horreur du produit. Alors on peut se poser la question : depuis plus de trente ans, ces bombes étaient-elles rangées au placard, attendant une attaque de mort-vifs ou que sais-je d’exceptionnel ? Mouais… Les conventions de Genève n’ont pas plus de valeur qu’une promesse électorale, indéniablement.

Mais arrêtons un peu ce cynisme bien inutile, car il aura au moins eu un mérite, celui d’être particulièrement puissant. Je dirais même, radical. En effet, nous progressons finalement aisément au milieu des carcasses de voitures et des cadavres de mort-vifs. Plus le moindre bruit de traine-savates. Plus la moindre silhouette ne surgit de l’épaisse brume de cendres. Idéal pour se rendre au port sans ne trop prendre de risques.

Les rues se suivent et se ressemblent. Les hélicoptères auront bel et bien ratissé la ville toute entière, désormais recouverte de braises et de résidus cendrés uniformément. Quelques flammes de ci de là ponctuent notre parcours et nous indiquent le chemin à la façon de feux tricolores. Surprenante similitude.

Juste là, sur notre droite, la gare en contrebas du pont. Nous apercevons les rames des locomotives et wagons, ou plutôt ce qu’il en reste. Leurs structures métalliques n’auront pas dû résister bien longtemps. La gare, ses voies et ses trains ne ressemblent plus qu’à une énorme casse automobile. Rien de plus.

La mère tient la cadence, malgré le poids de l’enfant et la pollution de l’air. Je me retourne régulièrement pour m’assurer qu’ils me suivent et qu’aucun danger ne nous ait pris en chasse. Sait-on jamais. Un irréductible mort-vif pourrait avoir survécu.

Puis enfin, dans un silence de plomb, nous apercevons l’entrée du port. Je n’ai qu’une seule crainte, c’est qu’ils l’aient également bombardé. Enfin, pour être plus précis, qu’ils aient bombardé les bateaux. Car s’il ne reste plus le moindre d’entre eux d’utilisable, nous serons venus pour rien, et pire encore, nous n’aurons plus que nos jambes pour quitter la ville.

Mais mes craintes sont rapidement dissipées. Car plus nous nous approchons et plus je parviens à distinguer des parties saines sur la rade. Un bâtiment qui n’est pas noir de suie est un bâtiment qui n’a pas été bombardé. Voilà tout. Et si ces quelques façades ont été conservées, c’est que le port a dû être tout ou partie épargné.

Tout cela me donne envie de presser le pas.

- Cézanne, le port a l’air d’avoir échappé aux bombes. Pressons-nous un peu si vous le pouvez, je préfèrerais que l’on arrive les premiers pour y dénicher le meilleur bateau.

Car là est l’astuce. Je ne suis certainement pas le seul à avoir pensé à déguerpir par la mer. Alors autant arriver les premiers. Car c’est bien connu ; premiers arrivés, premiers servis.

En arrivant sur place, nous reprenons des couleurs, un peu comme celles du port. Quelques rayons de soleil viennent enjoliver l’espace. Ce serait presque réjouissant. Mais cela me rappelle également que les mort-vifs du quartier ont tout autant été ménagés par les flammes. J’espère qu’ils ne se sont pas tous donnés rendez-vous ici.

Sans réfléchir, je prends sur la gauche en direction du port de plaisance. Il parait que des chalutiers embarquent des gens pour les mettre en sécurité sur les plateformes pétrolières. Quelle erreur ! C’est pourquoi je nous évite le port de marchandises. Des gens amassés sur un bateau, quoi de mieux pour tous finir grignoter par des mort-vifs ? Il n’en suffit qu’un au milieu de tout ce beau-monde pour que la situation dégénère. Je ne prendrai jamais un tel risque. Et puis, les plateformes, je les connais bien. Ceux qui ne mourront pas mordus y mourront de faim. Sans ravitaillement, une plateforme isolée en mer n’est qu’une tombe de métal.

Les espaces se font dorénavant plus petits. Les rues sont devenues des allées où les carcasses de voitures ont été remplacées par des amoncellements de caisses et de petits containers. Derrière chacun d’entre eux peut se trouver un mort-vif. J’avance prudemment. Je ne prends aucun risque.

Un cri. Un peu plus loin, un cri de bébé. Strident, fort, paniqué.

- Vous entendez ?

- Oui, j’entends bien Cézanne.

Ce cri me perturbe. Je m’attendais à tout sauf à ça. Est-il seul ? Et pourquoi ne s’est-il pas encore fait attraper par un monstre. Vu le boucan qu’il fait, c’est tout de même surprenant... Ou ça ne saurait tarder.

Nous avançons encore de quelques mètres et débouchons sur une petite place, juste devant le début du quai. Là, ce ne sont pas les bateaux qui attirent mon attention. Non, ce cri d’enfant a pris forme. Une personne, très certainement une femme, tenant un bébé, s’est perchée sur le toit d’une cabine téléphonique. Et le nuage de monstres qui les encercle ne laisse rien présager de bon.

Je dégaine ma hache d’un mouvement réflexe. Non pas que j’ai déjà pris la décision d’intervenir, mais la vue d’un mort-vif me fait cet irrémédiable effet : je la sors.

- Que faites-vous, Rodrick ? Vous n’allez tout de même pas les attaquer ? Vous avez vu leur nombre ?

- Quelle sympathie de votre part. Pourquoi ne suis-je pas étonné ?

- Vous ne me comprenez pas. Je voudrais bien y aller moi aussi. Je voudrais bien les aider autant que je le puisse, mais autant regarder la situation en face. Les monstres sont occupés, ce qui signifie que pendant ce temps là, ils nous foutent la paix. Ne pensez-vous pas que nous devrions en profiter ?

Je suis estomaqué. Je ne m’attendais pas à beaucoup de compassion de sa part, mais je ne m’attendais pas non plus à tant d’égoïsme. Peut-être a-t-elle raison ? Et peut-être que j’aurais pensé de la même façon si elle m’en avait laissé le temps. Mais là, à part m’avoir agacé, le résultat est que je vais lui donner tord, d’une façon ou d’une autre.

- Votre fils n’a pas plus de valeur que cet enfant. Si je l’ai sauvé, pourquoi ne viendrais-je pas en aide à un autre ?

Je déloge le petit des épaules de sa mère et le place au sommet d’une pile de caisses.

- Vous devriez monter le rejoindre pour vous mettre à l’abri en attendant que j’en finisse avec eux. A moins que vous ne préfèreriez continuer seule, en le portant à bout de bras ?

- Ne le prenez pas mal. Je disais cela pour vous également. Et si vous ne reveniez pas ?

- Alors vous porterez votre fils à bout de bras. Définitivement.

Qu’elle peut être énervante. Et quel manque de tact. Comment une mère peut-elle rester insensible aux cris d’un bébé. Qu’importe… Il est temps de passer à l’action. Ca tombe bien, j’avoue que cela me manquait un peu.

Mes armes sont dégainées, prêtes à fracasser. Alors je me rue, telle une tornade, je me jette m’abattre sur le troupeau de monstres.

Sur ma premère volée, la hache en pourfend deux d’un coup. C’est jouissif. C’est la première fois que je le fais. Les monstres ne m’ont toujours pas détecté. Dans leur dos, je prends un malin plaisir à les éclater les uns après les autres, sans trop réfléchir à un ordre précis. Mais par sécurité, je m'occupe à garder une certaine distance.

Schlouin ! Et encore une pastèque. Quel spectacle amusant de voir ces têtes exploser sous l’effet d’un coup central bien puissant. Je ne compte plus. Je dois bien en avoir déjà abattus cinq ou six. Peut-être sept ? Mais la troupe est imposante, et une fois en son sein, elle est encore plus impressionnante qu’elle ne paraissait, vue de l’autre côté de la place.

Chbing ! Et zut. Je ne m’attendais pas à ça. Ce mort-vif était tellement livide que la hache l’a littéralement transpercé de part et d’autre si bien qu’elle a fini sa course contre un angle de la cabine, me glissant des mains par la même occasion. Qu’à cela ne tienne, j’ai d’autres armes à mon actif. Je sors le sabre, puis perfore immédiatement un monstre de ma main droite tandis que je maintiens en joue un second à l’aide du couteau, puis j’extrais le sabre du premier mort-vif pour le planter dans le crâne du second.

Je me décide à prendre un peu de recul. Il faut que je puisse observer le reste des forces en présence. C'est que, pris dans le feu de l’action, je n’ai pas vraiment fait attention à son déroulement.

Quelques pas en arrière, une fois bien en place sur mes appuis, mes lames pointées vers l’avant, je commence à analyser ce qu’il reste du troupeau. Quatre monstres, et peut-être un cinquième derrière la cabine. Ma hache n’est plus visible, certainement dissimulée par le cadavre de l’un d’entre eux. La bonne nouvelle, c’est qu’ils sont toujours scotchés à la cabine. Et la raison en est des plus simples : un jeune homme s’y trouve coincé.

Un, deux et trois, j’y retourne ! A chaque coup, un monstre doit tomber, alors je prends le temps de bien viser les crânes dégarnis. Qu’ils sont moches, ces crânes. Ils n’ont plus que quelques touffes de cheveux qui s’acharnent à vouloir y rester collées. Il me rappelle mon prof de physique. Ca ne me rajeuni pas, mais comme pour les mort-vifs, si à l’époque j’avais pu lui glisser un coup dans le museau, je ne me serais pas gêné.

Mais je rêvasse. Encore trois d'entre eux sont debout, alors je fais un petit bond de côté pour ne pas rentrer dans leurs champs de vision puis je pointe main droite. Et plus que deux, puis je pointe main gauche. Et plus qu’un, que, pour la forme, je perfore des deux lames. Et je respire un grand coup.

Je prends le temps de bien observer la scène du crime. Avant de m’occuper des deux gugusses et du bébé, je veux être certains qu’aucun mort-vif ne sera plus un danger. J’ausculte leur tête, rassuré qu’elles soient bien toutes éclatées d’une façon ou d’une autre, puis je range mes lames et récupère la hache.

Voilà, maintenant, je peux discuter.

Je m’adresse en premier lieu à l’homme enfermé dans la cabine, en prenant soin de ne pas l’ouvrir. C’est un minot. Vingt cinq ans, peut-être un peu moins.

- Vous vous êtes fait mordre ?

- Non, non. Ils ne m’ont pas eu. Mais merci, merci beaucoup. Je peux sortir maintenant ?

- Si vous me promettez qu’ils ne vous ont pas mordu, je vous ouvre.

- Oui, je vous le jure ! Regardez mes bras.

Il rebrousse les manches de sa veste et me montre ses avant-bras. A priori, rien d’anormal.

- Et votre cou ? Montrez-le-moi s’il vous plaît.

Il s’exécute sans sourciller.

- Très bien, sortez vite. Mais ne trainez pas sur les cadavres des mort-vifs, ils pourraient se relever. On n’est jamais trop prudent. Et là haut, sont-ils sains ?

- Oui, pas de soucis. Selma et le bébé n’ont rien. Je les avais aidés à grimper sur la cabine quand les macchabées nous ont pris en chasse. Alors ils n’ont rien. Vous ne m’aideriez pas à les faire descendre ?

- Oui, bien sûr.

- Au fait, je m’appelle Dante. Et vous ?

- Appelez-moi Rodrick.

- Alors merci encore Rodrick. Sans votre aide, nous serions…

- Je vous en prie. C’est le petit qui a attiré mon attention. Ses cris pour être plus précis. Vous avez une arme ? De quoi vous défendre ?

- J’en avais une, plutôt efficace d’ailleurs, mais elle est restée coincée dans l’un de ces crânes. C’est une sorte de petite lance d’une cinquantaine de centimètres. C’est pratique, cela me permet de rester à distance.

- Retrouvez-la de suite s’il vous plaît. Je fini de faire descendre la dame. Madame ? Passez-moi le bébé pour commencer.

Elle me tend un petit bout de chou de quelques mois, pas plus, enroulé dans un fichu. Il s’est arrêté de crier. Je ne sais pas exactement quand mais il a dû sentir que le danger était écarté. Je le cède au jeune homme pour qu’il le porte le temps que j’aide la femme à descendre.

C’est une dame d’une trentaine d’années, peut-être un peu plus. Elle a l’air encore totalement paniquée.

- Essayez de reprendre vos esprits, Selma. C’est bien, Selma, votre nom ?

- Oui, c’est Selma.

Elle sanglote terriblement et a bien du mal à reprendre le dessus. Je ne sais pas depuis combien de temps ils étaient là, mais les évènements ont dû être épouvantables.

- Calmez-vous s’il vous plait. Essayez de respirer. Nous ne pouvons vous rendre le petit si vous ne vous calmez pas, vous allez l’effrayer.

- Oui je comprends. Mais… Si je pouvais m’assoir un instant, je pourrais…

- Dante ? Je vous abandonne quelques secondes. Aidez Selma à se reprendre un peu le temps que je revienne.

C’est qu’il y a une autre mère de famille qui ne va pas tarder à me crier dessus si je ne vais pas la chercher au plus vite. Evitons tant que possible de provoquer les états d’âme de Madame, ce ne sera pas un luxe pour mes oreilles.

- Vous revoilà finalement ? Toujours pas décidé à nous abandonner ? Peut-être est-ce un manque de courage ?

- Ne me cherchez pas Cézanne. Et passez-moi plutôt votre fils.

Une fois la mère descendue à son tour, nous rejoignons l’autre groupe.

- Dante, que faisiez-vous là ? Pourquoi être venus au port ?

- Il se dit que des bateaux emmènent les gens en sécurité sur les plateformes pétrolières en mer.

- Les bateaux en question se trouvent certainement sur le port de marchandises, et non pas ici sur le port de plaisance.

- Oui, nous étions en chemin pour y aller quand une troupe de monstres nous a pris en grippe. Vous ne viendriez pas avec nous par hasard ?

- Non, désolé. Je me dois d’être franc avec vous. Les plateformes pétrolières sont des leurres. Si vous y parvenez, ce ne sera que pour y mourir. Je sais de quoi je parle, j’en reviens.

 - Ah... Ok, alors que fait-on ? Admettons que vous ayez raison. Où aller ? Il n’est plus possible de retourner en ville suite aux bombardements. Alors, que faire ?

- Ecoute-moi Dante. Nous, nous allons prendre un petit bateau et rester en mer quelques jours. Nous accosterons un peu plus loin dans les villages côtiers pour nous ravitailler de temps à autres. C’est le plan le plus sûr qu’il soit pour l'instant. Je pense que vous devriez en faire autant.

- C’est bien comme idée, ça. Mais moi, je ne sais pas naviguer. Je n’ai pas de bateau et je suis bien incapable d’en démarrer un. Ca m’a l’air d’être une riche idée pour celui qui connait, mais pas pour nous. Selma, qu’en penses-tu ?

 Selma est bien incapable de répondre. Elle a le regard vide de la personne à bout de forces.

- Rodrick ? Peut-être devraient-ils se joindre à nous. Qu’en pensez-vous ?

- Le plan ne fonctionne que si nous sommes en petit groupe. Il fonctionnera pour eux et pour nous, si nous restons en deux groupes distincts. Plus le groupe est grand, plus le risque est élevé.

- Mais ils ont ce bébé. Et la maman n’est plus en état de faire quoi que ce soit.

J’hésite. Je vois bien que Cézanne a raison. Honnêtement, je ne pense pas qu’ils survivront bien longtemps. Le petit jeune a l’air dégourdi mais il ne pourra s’occuper seul de Selma et du bébé. Pouf… Les choses se compliquent d’avantage.

- Très bien, très bien. Si vous souhaitez vous joindre à nous, ce sera seulement si vous respectez mes règles. Des règles simples, des règles de survie.

- Je dois demander à Selma son avis. Je suis désolé, mais je ne peux prendre de décisions pour elle.

Dante se tourne alors vers elle. Selma n’est toujours pas au mieux, mais elle réussi tout de même à prendre la parole.

- Nous ne pouvons pas y aller, Dante. Moi et le petit devons rejoindre les plateformes. Je l’ai dit à sa mère. C’est là-bas qu’elle le cherchera.

Qu’est-ce que c’est que cette histoire encore ? Pourquoi les gens sont-ils toujours aussi compliqués ? Alors que j’avais pris la décision d’accepter de les garder avec nous, voilà que Selma nous l’a fait divergente.

- Selma, Dante. Je ne vous force pas à nous suivre, mais il va falloir prendre une décision rapidement car nous n’allons pas nous attarder ici.

- C’est que le bébé n’est pas celui de Selma. Elle le garde pendant que sa maman travaille. Elle est infirmière à l'hôpital Royal.

Le problème, c’est que cet hôpital, je le connais bien. Et je sais ce qu’il en reste. Peut-être devrais-je me taire. Mais laisser cette pauvre femme penser que la mère du petit ait pu y survivre me parait bien déraisonnable.

- Selma, nous revenons de l’hôpital, nous y étions cachés en son sous-sol. S’il y avait des rescapés, nous les y aurions vus. L’hôpital a complètement brulé. Si sa maman y travaillait, alors… Vous devriez considérer cet enfant comme le votre dorénavant.

Elle pleure, les nerfs ont craqué. Elle sera inconsolable.

- Dante, tu devrais décider pour vous trois. Vous nous suivez ou vous tentez les plateformes ?

- On vous suit, Rodrick.

Pourquoi les situations sont-elles toutes plus décourageantes les unes que les autres ? Alors que nous prenons le quai à la recherche d’un bateau qui puisse nous convenir, je ne peux m’empêcher de penser à Selma. Comment a-t-elle pu continuer de penser que la mère du petit serait encore en vie. La ville n’est plus qu’un tas de cendres, ses habitants se sont transformés en monstres et elle, elle garde l’espoir de revoir la mère. Est-ce de l’inconscience ? Ou de la foi ? Décidemment, je ne comprendrai jamais ce manque de bon sens.

- Attendez ! Attendez s’il vous plait ! L’un d’entre vous a-t-il un portable ? Le mien n’a plus de batterie.

- Oui Selma, j’en ai un dans mon sac.

Pour une fois, Cézanne sert à quelque chose. Mais en parlant de message, j'ai bien peur que Selma n'est pas vraiment reçu le mien.

- Je veux prévenir sa maman que finalement nous ne prenons pas les bateaux qui mènent aux plateformes. Juste lui laisser un message. Je peux ?

Un message vocal plus tard, nous arrivons enfin face à un alignement de bateaux en tous genres. Entre les trop petits pour nous six et ceux trop loin pour pouvoir y monter à bord, il ne nous reste finalement que peu de choix.

Je prends le temps de bien tous les examiner. Ce que je souhaite, c'est une voile pour éviter de tomber en panne d’essence en pleine mer. Ce serait la catastrophe. De plus, le luxe serait d'avoir une barque attachée au navire. Je ne sais pas vraiment si cela se pratique, mais qu'importe les conventions, notre survie est prioritaire. Il est évident qu'avec toutes ces conditions préalables, il ne va pas être facile de trouver notre bonheur.

En remontant le quai, un beau voilier, au mas impressionnant me fait de l’œil. Ce que j'aime en lui n'est pas tant son mas et la voile qui y est suspendue que le fait qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau au bateau qui illustrait l'article sur la façon de naviguer. Autant dire qu'il semble être l'appât idéal. D'un geste de la tête, je fais alors signe à l'équipe de me rejoindre tout en pointant du doigt le navire. Je veux qu'ils comprennent que je maitrise la situation. C'est surtout valable pour Dante. Je lui ai imposé mes règles, alors autant qu'elles soient claires.

- Dante, reste ici s'il te plaît et protège-les si un mort-vif se pointait. Je monte à bord m'assurer que l'intérieur est clean. Tenez-vous prêts à grimper lorsque je vous ferai signe.

J'arpente la petite passerelle en bois vernis qui mène sur le bateau puis, hache à la main, jette un œil réglé sur le mode "silhouette à monstres" à travers les vitres et hublots. Pour l'instant, rien d'étrange.

Avant de pénétrer dans la cabine, je fais le tour du propriétaire. Le bâtiment est plus petit qu'il en a l'air. D'un blanc immaculé, seules quelques taches de sang à l'entrée de la cabine viennent m'interpeller. Je serre la hache bien fermement puis avance par petits pas. C'est que ce sang appartient forcément à quelqu'un. Une personne qui pourrait bien être encore sur place. Une personne qui pourrait d'ailleurs bien avoir mutée. Et cette personne se tient dorénavant devant moi. Je l'aperçois partiellement à travers la petite issue qui mène en contrebas dans la cabine, inerte, se déhanchant légèrement tel un pendule, sans le moindre grognement audible. Un peu comme s'il dormait debout. Ma présence aurait dû le ranimer. Il aurait déjà dû me sentir. Est-ce la forte odeur de la marée qui couvre celle de mon sang ? Hum... Si tel est le cas, alors nous serons définitivement plus en sécurité en mer. Mais dans l'immédiat, qu'importe la raison de son attentisme. Faisons encore quelques pas et perforons lui le crane.

Je décide alors de me le faire à l'aide du petit sabre. C'est que je ne souhaite pas éclabousser de sang l'intérieur de la pièce. Après tout, nous allons y vivre, non ?

En avançant encore un peu, j'aperçois un autre corps. Mais celui-ci est au sol. Allongé au pied du monstre, il semble nager dans une mare de sang. Surprenant. Dans pareille situation, le mort-vif devrait être avachi dessus à lui ronger les os jusqu'à la dernière miette de chaire. Il doit y avoir autre chose qui m'échappe pour l'instant. Et il n'y a pas cinquante moyens de savoir ce qu'il en est.

Je descends dorénavant les quelques marches qui mènent à la cabine, prudemment, chacun de mes pas anticipant un mouvement incongru du mort-vif. Mais décidemment, ce macchabée se refuse à me prendre pour cible.

- Ahhhh !

Je sursaute. Et voilà qu'il me fait mentir. Il s'est agité d'un coup. De totalement passible, il est devenu une véritable pile électrique, ses membres tout entier se débattant dans un mouvement des plus chaotiques. Et si ses jambes bougent de la sorte sans qu'il ne se déplace, c'est que ce pauvre monstre est pendu au plafond, ses pieds flottant à une quinzaine de centimètres du sol ne risquant pas de l'emmener bien loin.

Au moins, celui-ci ne sera pas un danger dans l'immédiat. J'en profite alors pour sonder la dépouille au sol. Elle croupi dans son sang, d'un sang bien sombre qui a eu tout le temps de sécher. En observant d'avantage la scène, je commence à en comprendre le déroulement. Le cadavre au sol, celui d'une femme, s'est vidé d'une bonne partie de son hémoglobine suite à une série de balles dans la tête, très certainement tirée par le pendu puisque l'arme réside à ses pieds. Quand au pendu justement, il n'a pas dû avoir le courage de s'en mettre une dans la cervelle et aura du coup préféré la corde. A moins que... En ramassant le pistolet, je comprends d'avantage pourquoi l'autre s'est pendu ; Le chargeur est vide. Bref. Un bien vilain final pour ce couple. Un de plus devrais-je dire. Le plus horrible dans cette histoire, c'est que la femme au sol ne s'est pas transformée. Elle était donc saine. Mais alors pourquoi l'avoir tuée ? Peut-être auront-ils voulu partir ensemble ? Une certaine vision du romantisme, pourrait-on dire. Bah... Ce ne sont pas mes affaires après tout.

Fini de jouer les Sherlock Holmes. J'ai deux cadavres à expédier par dessus bord avant que les gamins ne me rejoignent.

Se débarrasser du mort-vif n'est pas si évident tant il se débat, attaché à sa corde. Mais il ne résiste finalement pas bien longtemps et ses convulsions se stoppent aussitôt que la lame lui transperce le cerveau.

Je tire les deux corps l'un après l'autre, les jette à l'eau, puis retourne examiner la cabine. Les mort-vifs sont pire que la peste. Il en reste toujours un de caché quelque part. Je reste méfiant.

L'intérieur est coquet. Il semble même qu'il y ait de quoi cuisiner, des banquettes pour dormir et une petite salle d'eau. Le luxe, somme toute. Mais ce que je souhaite trouver, c'est le poste de pilotage et sa radio. Car il est hors de question de rester en mer ad vitam. La radio sera notre seul moyen de communication avec le monde civilisé et je compte bien le retrouver. Je ne sais combien de temps cela durera, mais un jour viendra où le monde tournera rond de nouveau.

Je ne l'imaginais pas aussi petit, ce poste de pilotage. J’espère seulement que mes cours de navigation accélérés correspondront à l’engin.

Je retourne enfin sur le ponton, à l'extérieur, et fais signe au groupe de monter à leur tour. Le bateau est maintenant sûr, tout le monde peut embarquer, il est temps de déguerpir de cette ville, pour de bon.

Adieu Aberdeen !

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