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Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
Mort et Vif - Des zombies, des hommes et un nouveau chapitre chaque semaine
  • Mort et vif à la fois, comment est-ce possible ? Suivez les histoires de personnages communs et hors du commun à travers un monde infestés de morts vivant. Lorsque la situation devient extraordinaire, certains personnages se révèlent l'être tout autant.
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6 août 2014

Mort et Vif - Tome I - Chapitre 36

Je meurs de froid. Malgré le fait qu'il n'y ait plus de courant dans cette pièce depuis un long moment, malgré les bombardements, la température ne s'est pas relevée d'un iota. Et je me les gèle comme jamais. Il me faut sortir d'ici. Si je ne bouge pas, je vais finir comme les ingrédients qui s'entassent dans cette pièce : congelée !

Allez, c'est très certainement le froid qui m'endort également. Il m'enlise dans l'attentisme. Et patienter est mon pire ennemi.

- Remue-toi Marlène ! Arrrrrr !

Voilà, c'est ça. Crier un bon coup pour se réveiller, rallumer la machine, être opérationnelle à nouveau. Et ouvrir cette porte... Mais que vais-je y découvrir de l'autre côté ? Les bombes ont-elles amené le carnage appréhendé ? Et vais-je pouvoir sortir du bâtiment ? Et si je suis encerclée par les flammes, que ferai-je ? Malheureusement, il n'y a qu'une seule façon de le savoir...

Je voudrais récupérer mon arme mais dans le noir, je n'ose tâtonner le sol de ma main. Si jamais l'un de ces mort-vifs en profitait pour me la mordre ? Baaaah ! Ca me fait froid dans le dos rien que d'y penser. Je sais bien qu'ils ne représentent plus aucun danger, mais la phobie reste. Non, je préfère me rapprocher de la porte en me déplaçant le long des étagères puis je l'entrouvre en appuyant sur sa grande poignée métallique horizontale, et grâce à la lumière qui s'infiltre aussitôt, en profite pour ramasser mon Famas. Je sais son chargeur vide, mais c'est psychologique. Je me sens tellement plus forte quand je le tiens. Il devient le prolongement qu'il me manque, le membre que la nature ne m'a pas donnée et qui m'aurait tant servie dans les moments difficiles. Et je n'y vois rien de sexuel... Une arme, ou rien d'autre que le symbole de la force à l'état brut.

Brrrrooooouuuu... J'en tremblote. Est-ce son métal glacé qui me fait frissonner ou bien le fait de penser à tout ce qu'elle m'apporte ? Bah... Plus le temps de penser à ce genre de choses. Je dois reprendre ma route.

- Allez, en avant Marlène.

J'inspire une grande bouffée d'air puis pousse la porte du bout du canon de l'arme. Je me tiens prête à toute éventualité.

Grouuuuiiiinnnnnn. La porte grince fortement. Certainement l'effet de la chaleur. Une fois complètement ouverte, elle laisse pénétrer un immense nuage de poussières sombres accompagné d'une vague de chaleur suffocante. J'en tousse tellement j'en suis submergée. Puis l'effet se diffuse petit à petit et me permet d'entrevoir la cuisine du restaurant. Tout y est recouvert d'un léger voile de cendres. Quelques flammes du côté de la cour extérieure sont parvenues à pénétrer par les issues mais les lieux n'ont pas complètement pris feu.

Je n'ai décidemment plus rien à faire ici. Alors, après m'avoir couverte le nez et la bouche d'un chiffon, je commence à quitter la pièce puis me rends dans la salle principale. Le napalm s'est bien infiltré par la devanture du restaurant. Par contre, les mort-vifs qui y étaient scotchés ne sont plus que des grillades restées trop longtemps sur un barbecue. Le napalm ne les aura pas loupés.

Je ressorts par l'une des baies vitrées car les portes continuent de se consumer. Un premier coup d'œil à l'extérieur et... Désespérément rien. Je ne reconnais rien du tout. Il n'y a pas la moindre silhouette de mort-vifs se tortillant au milieu de la voie. La rue est déserte de toute vie. Même les voitures ont quasiment disparues. Non pas qu'elles se soient volatilisées, mais elles ont comme fondu sur place. Leurs pneus continuent de bruler et de dégager une épaisse fumée toxique noire. Et plus je sors du bâtiment, plus je m'expose au milieu de la rue et plus elle se dévoile à moi, complètement calcinée. Il n'en reste qu'un tas de charbon. Rien d'autre. Même les murs ont souffert.

L'horreur à un nom, elle s'appelle Aberdeen. Elle y possède aussi une couleur, le gris ; gris comme cette brume de poussière, gris comme ces devantures carbonisées, gris comme cette épaisse couche de cendres. Gris comme celui de la lune… Je me sens si seule. Et une odeur, âpre, associée à une fumée dense qui vous assèche la gorge. Non, décidemment, Je ne reconnais plus ma ville.

J'entreprends mes premiers pas dans cette nouvelle configuration. Une ère dénudée de monstres, de gens, de sons, de tout. Seul mon souffle vient rythmer le son de mes pas. Car si le danger a semble-t-il disparu, l'air, lui, est difficilement respirable.

Mais qu'importe. Je n'ai finalement jamais progressé dans les rues de cette ville aussi aisément. Avant, les foules de gens me gênaient. Ensuite, ce fut le tour des mort-vifs. Mais dorénavant, plus personne ne vient se mettre en travers de mon chemin. Et je commence presque à la regretter.

Les repères ne sont pas légion maintenant que tout a brulé et j'ai bien du mal à retrouver le chemin du port. Quelques bâtiments, malgré les bombardements, restent identifiables, de part leur taille impressionnante ou leurs détails uniques, comme la tour de la gare et son horloge. Elle s'est arrêtée à 5 heures et 46 minutes. C'est certainement un peu après qu'elle ait été touchée. Le temps que le napalm fasse son effet, pas plus que quelques minutes, avant de tomber en rade.

Mais fort heureusement qu'elle est là, car de ce point, je sais me rendre au port. Plus qu'à descendre cette longue avenue et dans à peine un quart d'heure, j'y serai.

Cette avenue ressemble tant aux autres rues de la ville. Aberdeen a définitivement sombré. Il faudra bientôt la rayer de la carte.

En son bout, une éclaircie. A moins que cela ne soit qu'une hallucination. Ca ne serait pas surprenant. Mais j'ai envie d'y croire. J'aperçois le port, ses devantures colorées et un rayon de soleil venant les réchauffer. Que j'ai hâte d'y être. Alors je me mets à courir. Au risque de m'exposer à un inéluctable mort-vif. Tant pis. Ce n'est pas une vie de subir ça.

Mon dieu qu'il est beau ce port. Avant, je le trouvais hideux, mais aujourd'hui, il est ce qu'il y a de plus magnifique en ville.

J'observe les pancartes de direction à son entrée. Le port de marchandise est sur la droite. Si des chalutiers accostent, c'est très certainement là-bas.

- Oh Chris, Maman arrive !

Je continue de courir à en perdre haleine. Je sens que je n'ai jamais été aussi proche de lui. Et effectivement, après quelques mètres seulement, j'aperçois du somment d'une interminable rampe, un énorme bateau, une passerelle et des gens positionnés juste à son entrée. Et les armes qu'ils portent en bandoulière me font penser qu'ils n'ont rien de mort-vifs.

- Attendez-moi ! Je vous en prie ! Ne partez pas sans moi ! Attendez !

Je cours comme une dératée. Et s'ils avaient la mauvaise idée de quitter les lieux maintenant, sous mes yeux ? Je n'ose pas y penser.

- Attendez-moi ! J'arrive. S'il vous plaît attendez !

Puis après quelques instants, j'arrive complètement exténuée devant eux.

- Ne criez pas comme ça. Vous risquez de les attirer.

- C'est que… J'avais peur que vous partiez… Vous…

- Reprenez votre souffle Mademoiselle. On n'est pas aux pièces, vous savez.

- Merci. Pouf… On m'a dit que… Vous emmeniez les gens en sécurité sur les plateformes en mer.

- C'est vrai. Enfin, ça dépend qui. On ne peut pas prendre tout le monde. Les plateformes ne sont pas très grandes.

- Je voudrais vous demander… Avez-vous vu une femme et un enfant en bas âge ? Un gros bébé, d'un peu moins d'un an ?

- C'est possible… Mais c'est difficile à dire. Ils ont pu embarquer dans un autre navire.

- Mais ça ne vous dit rien de plus ?

- Ecoutez, si une femme et un bébé ont embarqué pour les plateformes, il n'y a qu'en allant voir sur place que vous saurez s'ils y sont vraiment.

- Ok, alors, je peux monter ?

- Non.

- Comment ça, "non" ?

- On attend un groupe de survivants. S'il est au complet, il n'y aura plus de place pour vous malheureusement.

- Attendez… Je suis seule. Vous n'êtes pas à une personne près, non ?

- Si.

- Alors, qu'est-ce que je fais ? J'attends ici que les mort-vifs viennent me grignoter ou je m'y rends à la nage ?

- Ce n'est pas mon problème, Mademoiselle. Je suis désolé pour vous mais j'ai reçu des ordres. Des ordres clairs. Précis. Et une place est une place.

- Mais enfin, c'est incroyable. Tout le monde est mort. Nous ne sommes certainement plus que quelques survivants et vous, vous jouez à "j'ai reçu des ordres". C'est débile !

- Peut-être, mais c'est ainsi. Mais ne paniquez pas encore, vous aurez votre réponse bientôt. Je le vois. Il arrive.

Effectivement, au sommet de la même rampe par laquelle je suis arrivée, un petit groupe d'hommes se rapproche et ne met guère de temps à nous rejoindre.

- Alors Stanford ? Vous les avez trouvés ?

- Oui, mais malheureusement, il en manque deux à l'appel. Le capitaine risque de faire la gueule.

- Malheureusement pour eux… Mais heureusement pour vous, Mademoiselle.

Le petit groupe qui n'est autre qu'une famille escortée par un homme surarmé monte alors la passerelle. Est-ce un militaire ? Il n'en a pas vraiment l'air. Est-ce un garde du corps ou quelque chose du genre ? Un mercenaire peut-être, payé pour aller récupérer des survivants ? Ce n'est pas impossible. Mais qu'importe pour le moment. Je n'ai qu'une envie, celle de grimper à bord.

- Alors, je peux y aller à mon tour ?

- Oui, mais elle, elle reste là.

- Qui ça, "elle" ?

- Vote arme… Pas d'arme à bord.

- Pourtant, votre ami Stanford paraissait bien équipé, lui.

- Lui, c'est son métier. Vous, si vous souhaitez grimper, c'est seule.

Je ne discute pas plus longtemps. Cet homme, au timbre de voix aussi monocorde que sec, est froid comme le métal de mon arme. Il sera intransigeant.

- Tenez. Mais prenez-en bien soin. Je tiens à la récupérer en un seul morceau.

- Vous avez un nom ?

- Marlène. Marlène Dell.

- Et une profession ?

- Infirmière.

- Montez Marlène. Et suivez les instructions quand vous arriverez sur le pont.

- Merci. Et au fait, vous, vous avez un nom ?

- On m'appelle Coldy…

- Ah… Je me demande bien pourquoi. Enchanté Coldy.

Il ajoute alors mon nom à une liste sur une feuille de papier.

- Attendez ! Vous avez la liste des passagers ?

- Oui.

- Regardez s'il vous plait. Cherchez Chris… Ou Selma. Je vous en prie, dites-moi s'ils sont là Coldy.

Il prend le temps de regarder. Il prend clairement son temps. Qu'il est lent et mou. Est-ce son tempérament ? Peut-être, mais il me fait suer.

- Non. Pas sur ce bateau.

- Vous êtes sûr de vous ? Regardez encore.

- Oui. Je vous l'ai dit. Mais ils ont pu embarquer sur un autre navire. A moins qu'ils soient morts. Vous savez, beaucoup y sont passés.

- Oui, oui, je sais. Merci de me réconforter.

Non mais quel gros bourrin celui-là. Poufff... Tempère Marlène. Tu es en vie et tu te rends sur les plateformes. Alors rien n'est perdu, bien au contraire. Tu as obtenu ce que tu cherchais après tout.

Avant de grimper la passerelle, je me retourne pour jeter un dernier coup d'œil sur Aberdeen. Ou plutôt ce qu'il en reste. C'est que je l'aimais bien cette ville. Son hôpital, sa gare, son centre très commerçant. Tout ceci va me manquer dorénavant. Mais au diable les regrets. Je n'ai plus qu'un seul objectif dans ce nouveau monde : retrouver mon fils. Et je ferai toutes les plateformes les unes après les autres s'il le faut pour pouvoir le serrer dans mes bras encore une fois.

Soit fort Chris, soit forte Selma. Maman arrive.

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